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Politique - Éclairage

Au sein du Parlement, qui va s’allier avec qui et sur quoi ?

Les alliances vont se faire au cas par cas entre les partis traditionnels et les nouvelles figures.

Au sein du Parlement, qui va s’allier avec qui et sur quoi ?

Le Parlement libanais. Photo d’archives/AFP

La séquence électorale étant achevée, place au réalisme politique et aux échéances pressantes qui attendent les nouveaux élus et ceux qui ont été reconduits à leur siège au Parlement. Dans une Chambre où les forces sont fragmentées, sans aucune majorité claire, la dynamique politique reste pour l’heure une inconnue, et les positions des uns et des autres à découvrir au fur à mesure que les sujets seront placés à l’ordre du jour. D’où l’hypothèse de la constitution d’alliances, de rassemblements ponctuels et de coalitions qui se feront à la carte et où l’on pourrait voir peut-être des partis ou formations traditionnels rejoindre, sur certains dossiers, le groupe des députés de la contestation, et l’inverse. Dès à présent, les différents blocs en devenir se pressent pour courtiser certains indépendants ou des composantes de la contestation pour tenter de renforcer leur position au sein de l’hémicycle. C’est notamment le cas pour les Kataëb qui ont aussitôt entamé des pourparlers avec les principales figures de la contestation ainsi qu’avec les élus de Saïda, Abderrahmane Bizri et Oussama Saad. Ces derniers sont convoités puisqu’ils ont également eu le droit à une visite d’une délégation du Hezbollah venant les féliciter. La course pour la constitution de blocs forts est donc lancée, quand bien même les protagonistes n’ont parfois que peu d’atomes crochus.

Afin d’y voir plus clair, L’Orient-Le Jour a fait un tour d’horizon auprès des principales formations et blocs en gestation pour identifier leurs positions sur des dossiers considérés comme urgents pour le redémarrage de la vie politique et le redressement économique et financier du Liban. Pour l’heure, les forces nouvelles, d’horizons culturels, géographiques et idéologiques variés, travaillent à l’affinage de leur position sur les dossiers les plus prioritaires. C’est ce qui explique leur hésitation à se prononcer en détail sur certains dossiers sensibles, préférant au préalable harmoniser leur discours. Une prudence est également constatée de la part des partis politiques traditionnels, bien que leurs positions concernant certaines échéances-clés soient globalement connues.

Nomination du Premier ministre

Profitant de l’absence présumée d’un autre candidat sunnite fort, et faisant valoir son expérience et sa connaissance des dossiers du moment, le chef du gouvernement sortant, Nagib Mikati, semble clairement partant pour un nouveau mandat. Une option qui n’est pas pour plaire aux élus de la contestation ou de l’opposition en général, députés indépendants compris. Pour l’ensemble des élus représentant les nouvelles forces politiques, tout comme pour les Kataëb et les Forces libanaises, il n’est pas question de reconduire M. Mikati. « Nous l’avons déjà testé et essayé la formule qu’il a incarnée et qui au final n’a donné que des gouvernements sans saveur et inefficaces », confie Patrick Richa, responsable de communication au sein des Kataëb. Une position que les FL ne manqueront pas de rejoindre même si, pour l’heure, le parti chrétien prend son temps pour l’annoncer. Dans les milieux de la contestation, le profil-type souhaité ne ressemble en rien à celui du Premier ministre sortant.

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De manière presque unanime, les différents députés de ce groupe se prononcent pour une nouvelle figure, choisie en dehors des alignements traditionnels. « Nous allons même proposer des noms », confie Zeina Hélou, membre du parti Lana. D’ores et déjà circule celui d’Ibrahim Mneimné, élu à Beyrouth II, et celui de Halimé Kaakour, au Chouf (parti Lana). Ces noms risquent toutefois de ne pas être proposés, sachant qu’au sein de ce groupe, le principe du non-cumul des fonctions de ministre et député est acquis. « Il est possible que l’on opte pour un profil tel que Nawaf Salam », confie Marc Daou du parti Taqaddom. Le PSP, quant à lui, préfère attendre la réunion hebdomadaire du parti avant de s’exprimer à ce propos. Il s’agit de voir si son choix pourrait porter, une fois de plus, sur Nawaf Salam qu’il avait déjà avancé en décembre 2019 dans la foulée de la démission de Saad Hariri. Même s’il ne le déclare pas encore ouvertement, le tandem chiite est clairement tenté par la désignation de M. Mikati, une personnalité toujours prête au compromis. Le Courant patriotique libre, de son côté, estime qu’il est encore très tôt pour en parler et attend de voir comment s’ordonneront les rapprochements au sein de l’hémicycle, comme le fait remarquer le député Alain Aoun.

Formation du gouvernement

Le Hezbollah a été le premier à se prononcer sur ce dossier comme pour tracer d’ores et déjà les lignes rouges qu’il compte imposer. Le parti chiite s’est clairement exprimé en faveur d’un gouvernement d’union nationale, et donc de répartition des quotes-parts sur la base des résultats des législatives. Une position que partage partiellement le CPL, dont le chef, Gebran Bassil, a posé comme condition que l’exécutif reflète les poids respectifs au sein du nouveau Parlement.

Chez le PSP, c’est la prudence qui prévaut. Pour lui, peu importe quelle forme prendra ce gouvernement, puisqu’il considère que l’important est qu’il soit mis sur pied le plus tôt possible pour accélérer la prise des décisions urgentes. La position des FL sur ce sujet est ambiguë.

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Les choses sont bien plus claires pour le bloc de la contestation et les Kataëb qui se prononcent d’emblée pour un gouvernement qui ne soit pas le reflet des équilibres au sein du Parlement, mais plutôt constitué de personnalités indépendantes et compétentes pour que le pays soit extirpé de son marasme. Ce qui les différencie des groupes traditionnels, c’est leur revendication quasi unanime d’une équipe dotée de pouvoirs spéciaux lui permettant de légiférer par décrets dans des domaines précis.

Les réformes du FMI

C’est l’un des dossiers qui risque de créer le plus de polarisation aux côtés de celui de la politique étrangère et des armes du Hezbollah. Parmi ces réformes, la loi sur le contrôle des capitaux, la restructuration du secteur bancaire ainsi que la levée du secret bancaire, des dossiers houleux qui avaient déjà suscité une controverse au sein de l’Assemblée sortante. La confrontation sera cette fois-ci d’autant plus corsée que les nouveaux élus de la contestation – qui se situent principalement sur une ligne apparentée au centre gauche et farouchement en faveur de la défense des catégories sociales vulnérables – comptent vraisemblablement mener une bataille acharnée dès que la question sera soulevée.

C’est un ancien parlementaire qui résume le mieux la problématique : « Ce qui va départager les opinions sur ce dossier, c’est le degré de proximité des uns et des autres avec les banques. » Il faisait référence aux intérêts partisans immédiats mais aussi individuels sachant que certains députés cumulent des postes de conseillers personnels auprès de plusieurs banques alors que d’autres font partie du conseil d’administration de plusieurs autres.

Pour le mouvement Amal, qui rejoint en quelque sorte la position des FL, il n’est pas question pour le moment d’évoquer la loi sur le contrôle des capitaux en dehors d’un plan de redressement économique. Officiellement, le mouvement chiite se prononce en faveur de la « consécration du droit des déposants », une formule flexible qui entretient le flou sur la question de savoir quels déposants il s’agit de protéger. Le chef du Parlement, Nabih Berry, est accusé de vouloir protéger tous ceux qui ont fait fortune en Afrique et qui constituent une partie importante de sa clientèle politique.

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Le CPL préfère, lui aussi, ne pas s’engouffrer dans les dédales de cette loi ni dans les critères définissant les déposants qui devraient payer une partie de la facture. Il rejoint sur ce point les FL et Amal, en soutenant le principe de la corrélation avec un plan de sauvetage économique et financier global. « Une chose est certaine : la restructuration des banques est définitivement requise, à commencer par une vraie recapitalisation de sorte à ce que ces banques reprennent leur rôle de financement de l’économie et ne se contentent plus de servir de distributeurs de billets », précise M. Aoun. Dans les milieux de la contestation, les lignes rouges sont déjà tracées même si les différents membres de ce nouveau groupe se contentent d’afficher une position générale « tant que la concertation entre eux n’a pas encore pris fin ». Parmi les fondements qui dictent leur position, la protection des droits des déposants qui doit se faire en faisant assumer la responsabilité aux grandes banques et à tous ceux qui ont profité des ingénieries financières, « ainsi qu’à tous ceux qui s’avéreront responsables de la crise financière », note sans ambages Zeina Hélou. Marc Daou égrène la batterie de lois requises et qui devraient être concomitantes pour le redressement économique : l’adoption du budget, la levée du secret bancaire, l’audit financier, l’adoption de la loi sur le contrôle des capitaux et la restructuration du secteur bancaire. Un chantier qui devrait toutefois s’accompagner de la loi sur l’indépendance de la justice, qui continue à ce jour de faire la navette au Parlement. Cette loi pourrait, espère le député de Taqaddom, garantir la transparence au sujet des fonds pillés et ceux qui ont été transférés à l’étranger.

La politique étrangère et les armes du Hezbollah

Si les positions des partis traditionnels opposés au Hezbollah et l’axe de la moumana’ à ce sujet sont bien connus – les FL, les Kataëb et les députés indépendants dans leur majorité étant pour une politique étrangère en symbiose avec l’environnement arabe, et pour l’application de l’ensemble des résolutions internationales prévoyant notamment le désarmement du Hezbollah –, au sein du mouvement de la contestation, cette question risque de ne pas faire l’unanimité. Alors que la majorité des membres de cet ensemble sont en faveur du monopole des armes par l’État et la réhabilitation de ses relations avec son voisinage arabe, deux des députés du Liban-Sud III, Élias Jaradé et Firas Hamdan, tous deux pétris de la culture de la résistance, donnent indirectement quitus au Hezb pour la défense du Liban « tant qu’un État fort n’est pas édifié ». Une attitude qui pourrait susciter des polémiques et fissurer le groupe qui s’attelle à harmoniser ses positions sur toute la ligne.

La séquence électorale étant achevée, place au réalisme politique et aux échéances pressantes qui attendent les nouveaux élus et ceux qui ont été reconduits à leur siège au Parlement. Dans une Chambre où les forces sont fragmentées, sans aucune majorité claire, la dynamique politique reste pour l’heure une inconnue, et les positions des uns et des autres à découvrir...

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