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Politique - PORTRAIT/Dans nos archives

Cynthia Zarazir, le « happy ending » d’une CPL repentie

La quadragénaire a été élue sur la liste d’opposition Li Watani à Beyrouth I au siège des minorités, avec seulement 486 voix, en raison d’une loi électorale qui ne récompense pas toujours le candidat ayant obtenu le plus de voix.

Cynthia Zarazir, le « happy ending » d’une CPL repentie

Cynthia Fadi Zarazir, 40 ans, dans son bureau de Sioufi, le 23 mai 2022. Photo SK

Jeans, t-shirt et bottes de cuir. Cynthia Zarazir n’aime pas « poser » devant la caméra, préfère le naturel. Durant la campagne des législatives, ses rares sorties télévisées dégagent ce même air décomplexé : celle qui vient de passer le cap de la quarantaine revendique son style décontracté comme on brandit un argument politique. Se plier aux codes classiques du milieu, ce serait presque comme céder au système qu’elle entend combattre. « Comment était votre première fois ? » Sur le plateau de Hicham Haddad comme sur ses vidéos Instagram, elle s’adresse aux Libanais comme on provoque un ami, une tante ou le « dekkanjé » du coin pour le convaincre d’aller voter. Et ne perd pas une occasion de rappeler son engagement de rue « depuis qu’elle est gamine », ses arrestations successives ou encore son investissement dans le soulèvement d’octobre 2019.

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Maintenant qu’elle vient d’être élue députée au siège des minorités dans la circonscription de Beyrouth I sur la liste Li Watani, aux côtés de Paula Yakoubian, Cynthia Zarazir a de quoi écrire un nouveau chapitre de cette histoire. Si on ne devait retenir d’elle qu’une chose, elle voudrait que ce soit cela : l’image d’une activiste chevronnée, éprise de liberté, une héroïne du peuple qui a su pénétrer au cœur du système.

Sauf que pour la très grande majorité des Libanais, Cynthia Fadi Zarazir est une illustre inconnue. Un nom qui n’évoque pas grand-chose, si ce n’est quelques vagues polémiques concernant un tatouage de Michel Aoun gravé sur son cou, ou bien encore un tweet appelant au « génocide du peuple syrien ». Ces quelques mots postés « sous le coup de la colère » en juin 2016, suite à une vague d’attentats-suicides dans la Békaa, lui ont coûté très cher pendant la campagne. Pour beaucoup d’électeurs proches des milieux de la contestation, la candidate n’a rien à faire sur une liste se revendiquant « du changement ». Sur les réseaux sociaux, certains appellent même à lui faire barrage en évitant de donner une voix à son ticket. Elle s’en défend, s’explique, se confond en excuses. « L’expression ne me représente pas, ce n’est pas moi. J’ai commis une erreur, je me suis excusée… Plus que ça, je ne peux rien faire », réplique-t-elle aujourd’hui dans ses bureaux de Sioufi.

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À l’époque, l’afflux massif de réfugiés syriens vient d’atteindre son pic. Les dirigeants surfent sur la peur et l’émotion. Les nouveaux venus sont accusés de tous les maux, de la hausse du taux de chômage jusqu’aux embouteillages dans le pays. Les kamikazes de 2016 sont syriens, les victimes en majorité des civils libanais. Le climat est inflammable, l’escalade rapide. « Ma réponse était moche », regrette celle qui a appris depuis à policer son discours.

Cynthia Fadi Zarazir, 40 ans, dans son bureau de Sioufi, le 23 mai 2022. Photo SK

Les années orange

« Les réfugiés sont les premiers à souffrir d’être ici », réplique-t-elle aujourd’hui. Sur ce sujet comme sur la question du droit des femmes, des homosexuels ou bien encore des détenus libanais dans les prisons syriennes, Cynthia Zarazir joue la carte de l’humain. Hormis un certain penchant libéral, philanthrope et nationaliste, il ne faut pas chercher dans son discours un ancrage politique ou idéologique fort. Il n’y en a pas. Du « Club pour les droits de l’homme » à l’AUT (Université américaine de technologie) jusqu’à son engagement pour venir en aide aux populations sinistrées au lendemain du 4 août, son approche pourrait paraître consensuelle. Presque trop lisse.

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Mais ce serait oublier son passage au Courant patriotique libre. C’est le second point de son parcours qui fait aujourd’hui tache pour nombre d’électeurs. Jusqu’en 2006, l’ancienne élève de Champville et de Val Père Jacques est une inconditionnelle du mouvement de Michel Aoun. Elle y retrouve ses valeurs « de liberté, contre l’occupation (syrienne) et la corruption ». Jusqu’à la désillusion l’année de ses 24 ans, où elle prend la décision de rompre avec un parti qui n’a, à ses yeux, pas su tenir ses promesses. De ces jeunes années « orange », elle retiendra un goût prononcé pour la rue et la confrontation avec les forces de l’ordre. « Nous distribuions des flyers, organisions des sit-in… et avons été arrêtés à de nombreuses reprises, parfois quelques heures, souvent plusieurs jours », raconte-t-elle.

Cynthia Fadi Zarazir, élue au siège des minorités à Beyrouth I, lors du soulèvement d’octobre 2019. Photo Cynthia Zarazir

Polémique ou pas, la Beyrouthine originaire de Baabda rejoindra dans les prochains jours les bancs du Parlement. Les critiques n’ont pas freiné son élan. Ni empêché sa victoire : Cynthia Zarazir s’est fait élire avec seulement 486 voix, moins que certains de ses rivaux en lice pour le même siège (Élie Khalil Charbachi sur la liste des Forces libanaises : 727 voix ; Antoine Gabriel Siryani sur la liste Kataëb-Sehnaoui : 558 voix). C’est l’une des aberrations d’une loi électorale qui ne récompense pas toujours le candidat ayant récolté le plus de bulletins dans l’urne. En réalité, Cynthia Zarazir profite du faible seuil électoral dans sa circonscription et de la popularité de certains de ses colistiers travaillant le terrain depuis plusieurs années (Paula Yakoubian : 3 524 voix préférentielles ; Ziad Abi Chaker : 3 142).

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Alors que son équipe finalise son programme et s’active pour achever de transformer ses bureaux de Sioufi en siège politique, elle participe aux négociations entre les treize députés de la contestation nouvellement élus en vue de former un groupe parlementaire. Entre eux, quelques lignes fixes : non à Nabih Berry à la présidence du Parlement, oui à la collaboration avec l’ensemble des députés lorsque c’est « pour le bien du pays »… Le reste, beaucoup de « peut-être », ressemble à un saut dans l’inconnu.

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