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Politique - Éclairage

Comment la communauté internationale voit le nouveau Parlement libanais

Les regards sont rivés sur les échéances cruciales à venir, comme la formation du gouvernement et l’élection d’un président.

Comment la communauté internationale voit le nouveau Parlement libanais

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane recevant le président français Emmanuel Macron, le 4 décembre 2021, à Djeddah. Photo d’archives AFP

Ce sont des positions plutôt réservées qu’ont exprimées pour l’heure les grandes capitales occidentales et arabes au lendemain des législatives. Une retenue qui peut s’expliquer par un souci de prudence face à la mosaïque des forces parlementaires. Aussi bien à Paris qu’aux États-Unis, on attend de voir comment se dessinera le prochain paysage politique avant d’avancer ses pions. Pour ces capitales, tout comme pour Riyad et dans une certaine mesure Téhéran, les regards sont rivés sur les échéances cruciales à venir, comme la formation du gouvernement et l’élection d’un président de la République. Deux exercices qui s’avèrent plus que jamais difficiles à réaliser dans un contexte truffé d’embûches.

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À l’exception de l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, qui poursuit assidûment ses efforts en vue de la constitution d’un front anti-Hezbollah apparenté à ce qui fut jadis le camp du 14 Mars et qui s’est félicité, dans un tweet, d’une « victoire inéluctable » de la logique de l’État face à celle du mini-État du Hezbollah, les prises de position exprimées à ce jour se limitent à de simples souhaits de voir le pays embarqué dans un chantier de réformes imminentes. Riyad se réjouit certes, en coulisses, d’avoir partiellement inversé les effets de la décision prise par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, de boycotter les législatives, et freiné ce qui devait mener à une victoire écrasante du Hezbollah, mais évite d’afficher officiellement son enthousiasme par souci de démontrer sa non-ingérence dans le jeu libanais. Dans le royaume, le ton est donc à la pondération.

À l’occasion d’un entretien téléphonique effectué entre le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, et le président français, Emmanuel Macron, vendredi dernier, les deux hommes ont réitéré leur appel à engager les « réformes structurelles nécessaires au relèvement du pays attendues par la population libanaise et par la communauté internationale ». « L’important pour nous est que le Liban puisse aller de l’avant et prendre des mesures qui s’imposent sans perdre de temps », confie un diplomate français. C’est le même message qu’a envoyé hier le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhane, en affirmant que son pays serait prêt à aider le Liban s’il mettait en place des réformes.

Un optimisme mesuré

Dans les coulisses de la diplomatie française, les échos divergent. Alors que certains diplomates se réjouissent plutôt de la percée inattendue de nouvelles figures susceptibles d’injecter du sang neuf au sein de la vie parlementaire, d’autres font preuve de réalisme, certains diront de cynisme, et font valoir l’incapacité des élus de la contestation à mettre fin à la sclérose et à révolutionner les règles du jeu. Parmi les voix les plus pragmatiques au sein du Quai d’Orsay, note une source proche qui a requis l’anonymat, celles qui considèrent les nouvelles élites « bien sympathiques », ce qui reste toutefois insuffisant pour faire face à un establishment politique toujours bien ancré, même si affaibli.

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La France doit ménager ses alliés du Golfe, avec lesquels elle entretient de bonnes relations, tout en cherchant à préserver ses intérêts économiques en Iran. Ce rôle d’équilibriste la positionne comme un potentiel médiateur si la crise libanaise devait s’aggraver. « Paris pourra faciliter l’émergence d’un modus vivendi sur les questions libanaises ainsi que la formation de majorité », note Karim Bitar, politologue.

D’ores et déjà, on évoque une coordination entre Paris et ses deux partenaires, Riyad et Washington, dans l’objectif d’œuvrer, de manière concertée, à faire baisser la tension et surtout à inverser l’attitude belliciste de l’ambassadeur saoudien qui a récemment évoqué un « véritable soulèvement contre l’Iran », en commentant les résultats des élections. Pour Paris, la confrontation entre deux camps (pro et anti-Hezb) plus ou moins monolithiques ne peut que paralyser un pays pluriel qui n’a jamais pu fonctionner autrement que par le compromis. « Il est clair que les Français préfèrent le statu quo à toute nouvelle dynamique qui modifierait le modus vivendi instauré. La France préfère ne pas sortir de sa zone de confort », commente un responsable politique libanais sous couvert d’anonymat. Une position qu’il justifie par le souhait du Quai d’Orsay de préserver la stabilité à tout prix.

Ce serait l’une des raisons principales qui pousseraient la France à préférer le retour de Nagib Mikati à la tête du gouvernement. D’abord pour éviter de prendre des risques non calculés avec un nouveau venu, mais surtout parce le chef du gouvernement sortant aurait, de l’avis d’un diplomate européen, réussi à « satisfaire ses interlocuteurs » occidentaux.

Réserve américaine

Du côté américain, les réactions sont encore timides. Une retenue qu’un lobbyiste libano-américain explique, sous couvert d’anonymat, par le fait que le Liban n’est malheureusement plus sur le radar des États-Unis, bien plus préoccupés par la guerre en Ukraine. « L’administration américaine a certes d’autres soucis en ce moment. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils abandonnent le Liban », commente un analyste à Washington. Consciente que sa marge de manœuvre est quelque peu limitée par le fait qu’une partie non négligeable des Libanais, dont certaines figures de la contestation, ne veulent pas d’une ingérence américaine au Liban, l’administration US préfère, pour l’heure, garder profil bas.

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À l’ombre des clivages politiques, un risque accru de paralysie

Cela ne l’a pourtant pas empêchée d’infliger, quatre jours après la tenue du scrutin, de nouvelles sanctions à l’encontre d’un homme d’affaires considéré proche du Hezbollah, Ahmad Abdallah. Un timing « éminemment politique », selon certains analystes, un peu pour rappeler que Washington reste aux aguets. Au département d’État, on s’est contenté d’une déclaration qui n’a fait que réitérer les principes généraux. « Nous exhortons les élus et les dirigeants politiques du pays à entendre l’appel des Libanais en faveur du changement et à travailler avec sérieux et urgence aux mesures nécessaires pour sauver l’économie », a dit le porte-parole de la diplomatie Ned Price.

Cette baisse d’intérêt apparente pourrait toutefois changer avec la confirmation par le Sénat américain de la nouvelle secrétaire d’État adjoint pour le Moyen-Orient, Barbara Leaf, mercredi dernier, après que sa désignation a été bloquée pendant un an par les républicains. « C’est une vétérane de la diplomatie qui a une connaissance poussée de la région », confie un diplomate à Washington.

L’Iran à l’affût

Il reste à élucider la plus grande inconnue, à savoir la position iranienne par rapport à la défaite relative du camp du 8 Mars. Comme d’habitude, c’est à une déclaration sibylline que s’est livrée la République islamique qui a réitéré, par le biais du ministère des Affaires étrangères, que l’Iran a toujours été aux côtés du peuple libanais mais qu’il ne s’est jamais immiscé dans les affaires internes du pays. Une langue de bois qui ne cache pas les visées de Téhéran – bien qu’il ait délégué ses pouvoirs à son « bras droit », le Hezbollah – au pays du Cèdre comme dans la région. Au moment où les craintes de voir un scénario à l’irakienne se rééditer au Liban dans l’éventualité d’une paralysie institutionnelle, l’Iran sera effectivement appelé à jouer un rôle de facilitateur ou au contraire à faire monter les enchères. « La position de l’Iran se précisera par rapport à celle de la France et des États-Unis, notamment pour ce qui est de la forme du gouvernement et de l’orientation qu’il prendra. Elle dépendra surtout du progrès des pourparlers de Vienne sur le nucléaire, ainsi que des négociations bilatérales entre l’Arabie saoudite et l’Iran », commente Talal Atrissi, professeur et expert dans les affaires régionales. Comprendre qu’un dégel des relations au niveau de la région se traduira inéluctablement par une attitude positive de Téhéran au Liban. « On pourrait même voir l’Iran investi d’un rôle prééminent au Liban, en coordination avec les Français », renchérit Kassem Kassir, un expert des questions relatives au Hezbollah.

Ce sont des positions plutôt réservées qu’ont exprimées pour l’heure les grandes capitales occidentales et arabes au lendemain des législatives. Une retenue qui peut s’expliquer par un souci de prudence face à la mosaïque des forces parlementaires. Aussi bien à Paris qu’aux États-Unis, on attend de voir comment se dessinera le prochain paysage politique avant...

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