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Politique - Éclairage

Pourquoi la victoire électorale des FL ne se concrétise (toujours) pas

La réalité du scrutin est une chose, la politique en est une autre. Le parti de Samir Geagea va s’en rendre compte lors de la première séance du nouveau Parlement.

Pourquoi la victoire électorale des FL ne se concrétise (toujours) pas

Le chef des Forces libanaises Samir Geagea à Meerab, le 1er juin 2022. Mohammad Azakir/Reuters

Peu à peu, l’euphorie se dissipe. Au soir du 15 mai, lorsque les premiers résultats des élections législatives ont commencé à sortir, le chef des Forces libanaises Samir Geagea avait pourtant de quoi jubiler. Tout indiquait qu’il avait réussi son pari : celui de devenir la principale force sur la scène chrétienne, le premier opposant au Hezbollah et le chef de file de l’opposition, après avoir pourtant participé au compromis présidentiel ayant fait élire Michel Aoun à la présidence.

Au soir du 15 mai, les FL pensaient avoir obtenu plus de 20 sièges, les estimations les plus optimistes leur en attribuant même 23. Le lendemain, le tableau final était moins glorieux : 19 sièges et une percée de leurs adversaires à Bécharré, dans leur fief.

L’écart avec le CPL (18 sièges) est moins important que prévu, mais Samir Geagea déclare tout de même que « l’opinion publique chrétienne a changé de bord ». Il crie victoire et pose ses conditions pour les échéances à venir. Sur le papier, les FL sortent grands vainqueurs et le Hezbollah a perdu sa majorité.

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Mais la réalité du scrutin est une chose, la politique en est une autre. Les FL vont s’en rendre compte lors de la séance pour l’élection des principaux membres de la Chambre. Samir Geagea avait annoncé que son parti ne voterait pas pour Nabih Berry, le seul candidat à la présidence de la Chambre, et qu’il proposerait un candidat pour la vice-présidence. Il pensait pouvoir remporter cette bataille avec l’aide des députés de la contestation et des indépendants. Mais rien ne s’est passé comme prévu.

Lors de la séance, les FL ont pris une claque. Nabih Berry a été élu dès le premier tour, et Élias Bou Saab, le candidat du Courant patriotique libre, l’a été au second contre l’indépendant Ghassan Skaff. Le Hezbollah a été capable, dans les deux cas, de réunir une majorité, contrairement aux FL qui se sont montrées assez isolées. Pire, leur candidat au bureau de la Chambre Ziad Hawat n’a obtenu que 38 votes, soit moins que le tiers du Parlement. « Geagea a été incapable de convaincre les indépendants et les représentants de la thaoura. Il ne fait preuve d’aucune flexibilité politique et veut imposer ses vues à tout le monde », commente un poids lourd du 14 Mars sous le couvert de l’anonymat.

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Le chef des FL n’est en effet pas connu pour sa capacité à arrondir les angles. Il a tendance à gérer ses alliés, en particulier chrétiens, comme son parti : il dispose, les autres doivent suivre. Cette politique contribue d’autant plus à l’isoler aujourd’hui qu’il n’a pas d’alliés solides au Parlement. Les forces de la contestation se méfient de lui et ne le considèrent pas comme l’un des leurs. Les Kataëb ne manquent pas une occasion de se différencier des FL. Les indépendants chrétiens, proches de sa ligne, à l’instar de Michel Moawad, Farès Souhaid ou encore Majd Harb, lui reprochent d’avoir voulu les éliminer politiquement.

« Geagea veut toujours gagner pour lui, et seulement pour lui. Il aurait pu infliger une défaite beaucoup plus lourde au Hezbollah s’il était moins étroit d’esprit, mais il ne réfléchit pas comme ça », commente un leader chrétien pro-14 Mars qui a requis l’anonymat.

« Plus forts avec 8 députés qu’avec 19 »

La relation avec le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt est en dents de scie et ne peut être considérée comme stratégique. Celle avec les sunnites est en piteux état depuis la dispute entre les FL et le courant du Futur après le retrait de l’ex-Premier ministre Saad Hariri. Les députés sunnites indépendants et les ex-haririens sont pourtant actuellement la clé de la majorité. « Les FL étaient plus fortes à l’Assemblée avec 8 députés qu’avec 19 », tance un vieux baron de la politique libanaise.

Depuis 2019, Samir Geagea a tout misé sur les élections. Il a senti, pendant le soulèvement d’octobre auquel ses partisans ont largement participé, que la rue chrétienne était en train de changer de bord. Maître tacticien, il décrypte les réalités électorales comme personne et savait, depuis des mois déjà, qu’il obtiendrait environ 20 députés. Mais maintenant, que faire de cette victoire ? Continuer de rester en dehors du jeu politique, comme il le fait depuis 2019 ? Avec quel objectif, alors que les élections sont passées ? « Nous accélérons les contacts avec le PSP, les indépendants et les membres de la contestation », dit un proche de Samir Geagea ayant lui aussi requis l’anonymat.

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Les FL veulent éviter que l’expérience de l’élection du vice-président de la Chambre ne se reproduise et assurent que la coordination sera beaucoup plus forte. Le parti chrétien a répété à plusieurs reprises qu’il refuserait de participer à un gouvernement d’union nationale et qu’il souhaitait que se forment des cabinets de majorité. « Si c’est un gouvernement qui inclut tout le monde, comme d’habitude, bien sûr, nous n’y participerons pas », avait déclaré la semaine dernière Samir Geagea à Reuters, estimant que la fragmentation du Parlement pourrait conduire à une « confrontation majeure » avec le Hezbollah. Mais cela suppose que les FL s’entendent avec toutes les forces qui ne sont pas alliées au parti chiite pour obtenir une majorité derrière un candidat au poste de Premier ministre. Ce ne sera pas chose aisée. Et en admettant qu’elles y parviennent, comment convaincre ensuite Michel Aoun d’approuver un gouvernement dans lequel son parti et son principal allié ne seraient pas représentés ? La signature du président est une condition sine qua non. C’est pourquoi les FL, tout comme leur parrain saoudien, ont déjà les yeux rivés sur l’étape d’après : la présidentielle. Concernant cette échéance, Samir Geagea a déjà donné le ton : « Cette fois-ci, les FL s’opposeront à l’élection d’un candidat appuyé par le Hezbollah. »

Peu à peu, l’euphorie se dissipe. Au soir du 15 mai, lorsque les premiers résultats des élections législatives ont commencé à sortir, le chef des Forces libanaises Samir Geagea avait pourtant de quoi jubiler. Tout indiquait qu’il avait réussi son pari : celui de devenir la principale force sur la scène chrétienne, le premier opposant au Hezbollah et le chef de file de...

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